Stabilisation, démobilisation et reconfiguration continue des groupes armés
Le présent rapport analyse la situation sécuritaire dans le nord de Kalehe, une région caractérisée non seulement par la présence de groupes armés, notamment le CNRD rwandais, les Mai-Mai Kirikicho, Nyatura Kalume et divers Raia Mutomboki, mais aussi par la présence quasi-inexistante des forces militaires gouvernementales. Trois évolutions majeures ont marqué l’année 2019 : l’arrivée du CNRD à Kalehe et les opérations militaires contre ce dernier, le retour des Mai-Mai Kirikicho et des Nyatura Kalume à Ziralo, et le fiasco de la démobilisation des Raia Mutomboki. L’analyse révèle toutefois que ces bouleversements sécuritaires ne sont que les derniers d’un cycle de reconfiguration du paysage conflictuel du nord de Kalehe au cours des 25 dernières années, et que des enjeux politiques se dissimulent derrière la présence de groupes armés. Les stratégies des groupes armés pour exercer leur autorité dans un contexte de différents ordres politiques concurrents sont détaillées dans le présent rapport. Il illustre la manière dont la présence des groupes armés s’entrecroise avec les enjeux politiques plus larges, alors que leur présence ravive les griefs et tensions entre les communautés (ce qui est le cas avec le CNRD) ou redéfinit certains réseaux de patronage.
Lors des élections de 2018 et de la transition politique, les groupes armés ont été au cœur d’un opportunisme politique intense de la part de certains entrepreneurs politiques et leaders communautaires. La politique électorale et les opportunités de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) ont été utilisées par les groupes armés, des leaders communautaires et entrepreneurs politiques pour promouvoir leurs propres intérêts. Pour atteindre un impact significatif, il est donc nécessaire que la dimension poli- tique des groupes armés et les dynamiques plus globales du conflit soient intégrées dans les efforts de DDR et de stabilisation. Il s’agit notamment de dépolitiser la nouvelle commission inter provinciale de DDR et de promouvoir une nouvelle approche qui évite les anciennes conceptions techniques et individuelles afin d’adopter un DDR inclusif, collectif et communautaire qui donne aux communautés et (anciens) combattants un rôle non pas de simples bénéficiaires mais de véritables parties prenantes qui ont leur mot à dire dans l’orientation et la mise en œuvre de l’approche.