par cubaka Muderhwa Vianney
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Les bars poussent comme des champignons dans la ville de Bukavu, tous en quête d’attraire le plus grand nombre de clients assoiffés. Par contre, les filles et femmes qui y travaillent sont exploitées économiquement et sexuellement par leurs patrons et les clients. La durée de travail trop longue, salaire bas, exposition aux brimades et harcèlements sexuels, objet de risée de la population et plein d’autres sont le quotidien des serveuses de bistro.
Ceci donne lieu à s’interroger sur les conditions socio-économiques et sécuritaires dans lesquelles ces filles et femmes travaillent, mais aussi sur ce qui pousse les filles et les femmes d’aller travailler dans les bars. Les filles exerçant les métiers de serveuses dans des bistros de la ville de Bukavu sont qualifiées socialement par d’autres comme des « mangeuses d’hommes », ou encore des prostituées qui ne peuvent pas être dans la société. Et pourtant, souvent ils sont à la recherche de la vie, de subvenir aux besoins de la famille se trouvant en difficultés. Certaines d’entre-elles viennent du Burundi, du Rwanda, ce qui peut créer des tensions avec les serveuses congolaises. Toutes partagent le même destin d’être exposé à des salaires dérisoires et au mauvais comportement de leurs clients :
« Tu peux voir un client qui vient et commande la boisson pour 10$ par exemple, mais en payant il te donne 5$ et dit qu’il va payer le reste demain mais qui n’arrive pas à respecter sa promesse, l’autre vient il commande, consomme et s’en va sans que je ne le sache et tout cela tombe toujours sur mon dos »
La majorité des patrons des bars dans la ville de Bukavu sont très stricts sur la fixation du salaire de leurs employées : une serveuse touche en moyenne 60 dollars le mois, sans soins médicaux mais travaillant jour et nuit sans repos. Leur sécurité physique et mentale n’est rarement prise en compte et leurs clients – et parfois les patrons mêmes – les harcèlent en impunité :
« Nous avons toujours été harcelées par les clients d’abord qui sont ivres et refusent de payer leurs factures, ils commencent à nous injurier et à nous taper d’autre part il y a notre patron qui nous menace toujours »
« La fois passée il y avait un vieux papa qui m’avais mis 40,000 francs congolais dans le soutiens gorge en me suppliant de me toucher juste sur les fesses et les seins »
La plupart des filles serveuses passent la nuit dans les bistros pour raison de sécurité, de peur de rentrer à la maison tard. Certaines, s’y mettent au travail du sexe en même temps, les salaires du bar ne suffisant pas pour mener une vie digne. Une d’eux relate :
« Moi je n’ai pas de problème avec mon chef concernant le salaire, le patron peut me donner tout le salaire qu’il veut mais ma seule condition est qu’il me laisse libre pendant la nuit pour aller me débrouiller ailleurs »
Beaucoup de ces femmes ne sont pas des serveuses par choix mais dû aux conditions de vie précaires dans les centres urbains en RDC. Travailler dans un bar exige de l’endurance et beaucoup de courage, tout en acceptant des salaires maigres et des conditions de travail incertains y compris l’insécurité physique. Ni les patrons, ni les autorités compétentes semblent embrasser le fait que ces femmes sont des citoyennes congolaises comme tout le monde et leurs doivent sécurité et dignité.
Cubaka Muderhwa Vianney est chercheur au Groupe Etudes sur les Conflits et la Sécurité Humaine (GEC–SH) au CERUKI–ISP Bukavu.
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